#Politique: La désinformation russe, une menace pour les démocraties africaines

Publié le par Louba-heindé Séraphin Adoumngar

Politique et société.
Vladimir Poutine, Président russe

Depuis quelques années, la Russie nourrit l’ambition de gagner du terrain sur le continent africain. Si les discours officiels prônent souvent la coopération dans la sécurité, en arrière-plan, le Kremlin use de tous les moyens pour influencer la classe politique, la société civile et les populations au point de représenter une menace majeure pour la démocratie africaine.

De l’Afrique centrale à l’Afrique de l’Ouest en passant par l’Afrique australe, les différentes activités de désinformation de la Russie ont été richement analysées et aboutissent tous au même constat. La Russie est passée maître dans la désinformation et la propagation de fausses nouvelles, ce qui fait peser de sérieux risques sur les acquis démocratiques sur le continent africain. Selon un rapport publié en mars 2024 par le Centre d’études stratégiques de l’Afrique (CESA), l’ex-URSS est responsable de 80 campagnes de désinformation sur le continent depuis 2022. Ce chiffre représente près de 42 % du total des 189 dénombrées et fait du pays, le principal pourvoyeur de campagnes de désinformation devant la Chine et les Emirats arabes unis. 

« Ces 80 campagnes ont touché plusieurs millions d’utilisateurs grâce à des fausses pages et des messages coordonnés. […] La Russie a diffusé de la désinformation pour saper la démocratie dans au moins 19 pays africains, contribuant ainsi au recul du continent sur ce front », indiquent le CESA.

Si le nombre de campagnes est important, l’objectif est le même. Propager massivement d’une part des contenus qui vantent l’engagement du Kremlin aux côtés des pays africains via la présence des mercenaires d’Africa Corps (ex-Wagner). De l’autre, dénigrer la France pour son « néo-colonialisme » qui permettrait toujours au pays de continuer à piller les ressources africaines, les Etats-Unis pour leur « impérialisme », ainsi que des institutions comme l’Union européenne et les Nations unies.

Le Sahel, laboratoire privilégié pour la désinformation russe

De toutes les régions d’Afrique, le Sahel est le terrain de jeu favori des autorités russes pour avancer leurs pions dans la lutte pour l’influence. L’arrivée au pouvoir des juntes au Mali, au Burkina Faso puis au Niger a fourni de l’eau au moulin de la machine de désinformation russe.

En parallèle, la répression des voix dissidentes par les juntes a débouché sur la forte dégradation des conditions d’exercice des journalistes et des médias. Cette situation a été documentée par le collectif de journalistes d’investigation Forbidden Stories et ses 10 partenaires internationaux.

Dans un article publié le 21 novembre 2024, le réseau d’investigation souligne que le paysage médiatique a évolué considérablement avec le déploiement sur le terrain de plusieurs relais locaux de l’influence russe dans les pays de l’AES.

« La présence russe a changé notre façon de traiter l’information. Les journalistes ont été achetés par des agents de Moscou via la junte pour faire de la désinformation », confie un reporter nigérien à Forbidden Stories.

Dans le cadre de son enquête, l’organisation révèle aussi les moyens mis en œuvre par Moscou pour instrumentaliser les médias et manipuler les opinions publiques dans la région.

Il s’agit notamment des avantages comme les voyages en Russie pour des leaders d’opinion, des séances de formation de journalistes ou l’organisation de journées culturelles dans les pays de l’AES comme au Mali en août dernier. Le Kremlin s’appuie aussi sur diverses organisations comme l’African Initiative, fondée en septembre 2023 dans le cadre de sa recherche d’influence.

« Son objectif est de permettre à Moscou, à travers ses services de renseignement et leurs agents d’influence, de reprendre le contrôle de l’appareil de propagande construit par Evgueni Prigojine. Si l’offensive russe sur le continent africain avait débuté par des activités clandestines, les opérations sont désormais assumées et centralisées », indique Forbidden Stories.

Parmi les cas les plus fragrants de la désinformation russe dans les pays de l’AES figure la divulgation en avril 2022, d’une vidéo montrant des corps ensevelis sous le sable de Grossi au Mali avec un homme pointant du doigt le charnier comme étant « l’œuvre » de Barkhane. La réalité est que l’armée française venait à peine de remettre le camp de Gossi aux forces militaires maliennes, et que les victimes étaient issues d’une opération menée à Hombori conjointement par l’armée malienne et les mercenaires russes durant le même mois.

Plus globalement, le réseau de journalistes indique que les méthodes déployées dans le Sahel sont identiques à celle déployées dès 2018 à l’arrivée des mercenaires du groupe Wagner en Centrafrique.

Une menace pour la stabilité démocratique

Sur le continent, la propagande et la désinformation déployées par la Russie font peser un risque majeur sur le fonctionnement de la presse dans la région du Sahel. L’atmosphère de terreur créée sur le terrain et les réseaux sociaux étouffe de plus en plus les voies dissidentes et limite le travail de journalistes indépendants qui craignent désormais pour leurs vies.

Avec un tel contexte, c’est la démocratie et les libertés fondamentales qui sont menacées dans la région par les actions de la Russie, qui veut se servir des pays africains pour gagner une bataille contre le camp occidental. Si l’enjeu est de taille pour le Kremlin, cette lutte met aussi en lumière la nécessité pour les pays africains de mettre au cœur de leurs stratégies le combat contre la désinformation sous toutes ses formes et quelle que soit son origine.

Par Le Matinal

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