Relations sino-africaines : un partenariat sous l’ombre des abus

Publié le par Louba-heindé Séraphin Adoumngar

Politique et société.
Relations sino-africaines : un partenariat sous l’ombre des abus


La célébration du Nouvel An chinois est l’occasion de dresser un bilan de l’année écoulée, en particulier l’évolution du partenariat entre la Chine et l’Afrique. Avec des échanges commerciaux en hausse constante et des événements comme le FOCAC 2024, qui ont renforcé cette coopération, Pékin s’impose comme un acteur clé du développement africain. Routes, chemins de fer, barrages : les projets chinois transforment le paysage du continent, accompagnés de promesses de prospérité partagée. Cependant, derrière cette relation en apparence mutuellement bénéfique, des abus sociaux, économiques et environnementaux continuent de ternir le tableau. Racisme, conditions de travail déplorables, exploitation des ressources naturelles et exclusion des travailleurs locaux viennent questionner la réalité de ce partenariat. Ces dérives, loin d’être anecdotiques, mettent en lumière les déséquilibres d’une relation présentée comme « gagnant-gagnant ».

Conditions de travail et maltraitance sur les chantiers
Les entreprises chinoises, bien qu’apportant des investissements massifs, sont souvent accusées de ne pas respecter les droits des travailleurs africains. Les mines chinoises de cuivre en Zambie, par exemple, ont été critiquées pour payer les travailleurs locaux bien en dessous du salaire moyen du pays, une situation similaire étant observée dans les secteurs de la construction en Namibie, au Ghana et en Angola. Par ailleurs, des incidents de violence physique ont été rapportés, comme en Zambie, lorsque des cadres chinois ont ouvert le feu sur des mineurs en grève. Dans de nombreux cas, les travailleurs africains sur les chantiers chinois subissent des heures de travail excessives, des conditions de vie médiocres et l'absence de protections adéquates.
En République Démocratique du Congo (RDC), l’exploitation des enfants dans les mines artisanales, souvent associées à des entreprises chinoises, est une autre problématique majeure. Plus de 40 000 enfants travaillent dans des conditions dangereuses, avec des horaires de plus de 12 heures par jour. Exposés à des minerais radioactifs et à des blessures, ces enfants représentent une main-d’œuvre vulnérable dans un secteur déjà critiqué pour ses conditions précaires.

Répression des syndicats

Pour éviter la dénonciation de ces conditions de travail largement insuffisantes, les syndicats sont souvent réprimés dans les entreprises chinoises opérant en Afrique, où les travailleurs qui tentent de s’organiser sont menacés de licenciement. Au Ghana, par exemple, les entreprises chinoises dans le secteur de la construction ont été identifiées comme un obstacle majeur à l’organisation des syndicats, la pression sur les travailleurs étant forte pour ne pas revendiquer de meilleures conditions de travail. La résistance aux syndicats et la répression des tentatives d’organisation montrent l’absence de dialogue social dans ces environnements de travail.

Un modèle managérial contesté

L’importation par les entreprises chinoises d’un modèle économique autoritaire exacerbe les tensions. Les comportements décrits rappellent parfois les méthodes militaires : une gestion rigide, un mépris des pratiques locales et une absence de dialogue social. Ces pratiques sont aggravées par une relative impunité. Les cadres chinois impliqués dans des abus ou des violences sont rarement traduits en justice. Les autorités locales hésitent souvent à agir par crainte de mettre en péril des partenariats économiques stratégiques. Dans ce contexte, les travailleurs africains se retrouvent pris au piège, contraints d’accepter des conditions dégradantes pour conserver leur emploi. Cette situation pose la question des responsabilités des États africains, qui peinent à faire appliquer leurs propres réglementations face à l’influence économique de la Chine.

Exploitation illégale des ressources naturelles

Outre les abus sur les travailleurs, certaines entreprises chinoises en Afrique sont accusées d'exploiter illégalement les ressources naturelles, notamment dans le secteur forestier. Au Gabon, jusqu’à 70 % des exportations de bois sont liées à des pratiques non durables et illégales, souvent facilitées par des entreprises chinoises, ce qui suscite des préoccupations environnementales et économiques. Cette exploitation des ressources naturelles sans respect pour la durabilité soulève des interrogations sur la responsabilité des entreprises chinoises dans la gestion des ressources africaines.

L’exclusion de la main d’œuvre locale et les impacts sur l’emploi

Les grands projets d’infrastructure menés par des entreprises chinoises en Afrique – routes, chemins de fer, barrages – sont souvent vantés comme des moteurs de croissance. Cependant, dans la pratique, ces projets bénéficient peu à la main-d’œuvre locale. Les entreprises chinoises préfèrent souvent importer leurs propres ouvriers, parfois non qualifiés, pour réaliser ces travaux. Par exemple, lors de la construction du chemin de fer Addis-Abeba-Djibouti, financé par la Chine, une large majorité des ouvriers étaient chinois, tandis que les travailleurs éthiopiens se voyaient relégués aux postes les moins qualifiés et les plus précaires.
Dans le secteur de la pêche, notamment en Afrique de l’Ouest, les navires chinois sont accusés de surexploiter les ressources maritimes, laissant les pêcheurs locaux sans moyens de subsistance. Ces pratiques compromettent non seulement la sécurité alimentaire locale, mais aussi l’emploi, puisque les pêcheries locales ne peuvent rivaliser face à des entreprises disposant d’équipements industriels.

Discriminations envers les femmes

Les femmes, dans plusieurs pays africains où les entreprises chinoises sont présentes, sont souvent confrontées à des discriminations spécifiques. En Angola et au Malawi, certaines travailleuses sont privées de leurs droits, comme le congé maternité, bien que la législation locale le prévoie. En outre, des cas de harcèlement sexuel au travail ont été signalés, notamment en Namibie et au Kenya. Parfois, les femmes peuvent être amenées à être licenciées en cas de grossesse,  une pratique qui va à l'encontre du droit du travail et des législations locales.

Racisme et incompréhension culturelle

Les tensions raciales et l'incompréhension culturelle entre les populations africaines et les entreprises chinoises ont été soulevées à plusieurs reprises, mettant en lumière un mépris ou un manque de compréhension culturelle entre certains ressortissants chinois et les populations africaines. En 2020, une enquête de la BBC a révélé qu’un entrepreneur chinois opérant au Malawi avait réalisé et vendu des vidéos humiliantes où des enfants africains récitaient, sans en comprendre le sens, des messages dégradants en chinois. Cet incident a suscité une vive indignation internationale, illustrant le racisme latent de certains individus profitant de leur position de pouvoir. Des cas similaires, plus violents, ont également été rapportés. En juillet 2021, une vidéo montrait un contremaître chinois frappant un ouvrier dans une mine de cuivre au Congo, révélant les tensions entre travailleurs locaux et gestionnaires étrangers. D’autres exemples de ce type sortent parfois sur les réseaux sociaux. Ces scènes illustrent une relation professionnelle marquée par un rapport de force déséquilibré et, parfois, des comportements ouvertement racistes.

La question des bénéfices réels pour l’Afrique

La présence chinoise en Afrique est indéniablement transformative. Des infrastructures modernes voient le jour, des partenariats commerciaux se développent, et des milliards de dollars sont injectés dans les économies africaines. Mais les nombreux problèmes rapportés sur le terrain soulèvent une question essentielle : cette coopération est-elle réellement gagnante-gagnante ?

Pour de nombreux Africains, les bénéfices promis sont minés par des abus sociaux, des inégalités économiques et une exploitation accrue des ressources naturelles. Les comportements racistes, les conditions de travail inhumaines et l’exclusion des travailleurs locaux laissent penser que cette relation, bien que fructueuse sur le papier, reproduit certains schémas d’exploitation déjà observés par le passé.
En fin de compte, la présence économique chinoise en Afrique soulève un débat crucial : est-il possible de concilier développement économique rapide et respect des droits humains et sociaux ? À l’heure actuelle, la réponse semble loin d’être évidente.

seraphinnews.com

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Publié dans Actualité

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